mercredi 3 octobre 2012

Interview morte-née - spéciale Fin Du Monde

Quelquefois, les interviews par mail reviennent trop tard à l'intervieweur pour être publiées, et se perdent tristement dans l'interzone, le void, le Nilfheim, ou d'autres endroits encore pires tels que le disque dur "Big Black" de vx... Mais, en bons techniciens cyber-vaudou que nous sommes, nous avons le pouvoir de les faire revenir des limbes ! LEVE-TOI et marche ET APPARAIS ! (merci à Géraldine d'avoir posé ces questions inhabituelles, et encore désolé d'avoir mis trop de temps à y répondre...)


Comment Punish Yourself aborde le thème de l'apocalypse/ la fin du monde/ le chaos/ le désordre?
vx : Dès le début, ça a été des thèmes récurrents, en fait plus que le sexe et la drogue, mais c'est sûrement moins spectaculaire et ça a moins marqué le public que le reste. On les a abordés de façon très variée, avec des références plutôt hétéroclites. L'Apocalypse de Saint-Jean et son folklore, le Gotterdammerung/Ragnarok et autres fin des temps mythologiques (en incluant les super-héros, Watchmen est un incontournable, par exemple), le chaos dans Warhammer 40k ou chez Michael Moorcock, les décorums post-apo à la Mad Max... je suis autant intéressé par l'esthétique religieuse sérieuse que par les séries Z, et la musique qu'on produit a toujours été lez résultat d'un mélange volontaire entre le grandiose et le grotesque, l'infini et le vulgaire. On a des morceaux plus atmosphériques qui visent à recréer l'atmosphère d'un monde agonisant, d'autres qui mettent le doigt sur la peur ou la certitude d'une catastrophe imminente, d'autres encore qui traitent d'"apocalypse intérieure" - ces moments où on sent sa personnalité s'effondrer ou renaître, et encore beaucoup d'autres qui exaltent le chaos. A tous les degrés possibles, du très sérieux au très parodique.

Pourquoi de telles thématiques? Est ce parce qu'elles expriment quelque chose du monde actuel, ou est ce que c'est plus pour des motifs artistiques? Est ce que le groupe a une démarche militante?
Rien à foutre du monde actuel, en tout cas d'un point de vue "militant". La vraie vie est définitivement ailleurs. Gamin je lisais de la science-fiction et de la fantasy au kilomètre, le chaos, c'était mon paradis ! Sauf qu'il faut bien accepter un jour le fait qu'on est prisonnier de toute cette médiocrité, passée et présente. Alors autant en jouer ! Il ne s'agit pas de dénoncer les tares du système, mais de se vautrer dedans. Je vois Punish comme ces personnages de fous/bouffons sacrés/tricksters qu'on retrouve dans la plupart des mythologies et dans les sociétés dites "primitives". Ils alternent la menace et la plaisanterie, bonnes et mauvaises actions, langage ordurier et révélations mystiques, jouent les intermédiaires entre les hommes et le divin, sans qu'on sache jamais vraiment où ils se situent. De la même façon, notre musique n'a vocation ni à décrire le monde ni à le changer, mais à provoquer des sensations fortes. Le désir, la peur, la fascination, la répulsion, la nostalgie, l'exaltation... ensemble ou séparément. Les thèmes apocalyptiques se prêtent admirablement à l'exercice.


Qu'est ce que vous souhaitez faire passer en abordant ces thèmes? Le rire, la fête, le délire, quelle place est ce que ça a par rapport à ces thèmes?

La fête est un charognard qui se nourrit de tout, le beau comme le laid, l'attirant comme l'inquiétant. Nous aussi, vu qu'on aime faire la fête. Et l'humour est évidemment présent. Rire de la fin du monde, c'est comme rire de sa propre mort, nécessaire. C'est sûrement le seul message qu'on veut faire passer : amusez-vous. De tout. Tant qu'il reste quelque chose dont on peut s'amuser, une bouteille à boire, une dernière danse. La part de moquerie dans tout ça est laissée à l'appréciation de chacun...

Ironie, humour, second degré: comment articulez-vous ces dimensions avec les thèmes liés à l'apocalypse?

Peut-être qu'on en rit plutôt que d'en pleurer, pour exorciser, chasser la peur - en tout cas c'est ce que dirait un psychologue un peu paresseux. Mais peut-être aussi que la plaisanterie, le burlesque, sont une forme de tribut : en riant de la Fin Du Monde, on l'envisage plutôt que de nier sa possibilité... Ou peut-être tout simplement que c'est réellement amusant ? Comme quand on rit en regardant quelqu'un tomber et se faire mal.

 

Comment expliquer la fascination que ces thèmes suscitent à l'heure actuelle? (Cinéma catastrophe, films de zombie, sectes millénaristes, information-catastrophe?)
Ca n'a rien de nouveau, c'est une tendance cyclique - on a eu la première vague de films de zombis il y a quarante ans avec Romero, les films-catastrophe dans les 70's, il y une fin du monde annoncée à peu près tous les trois ans par telle ou telle secte farfelue, le bug de l'an 2000 aussi, c'était bon, ça. Fondamentalement c'est un thème qui fascine une partie du public, pas besoin de sociologie de comptoir genre "in vit dans un monde en crise d'où doutes et interrogations blablaaaa". L'homme vit toujours dans le doute et la crise, et transpose la hantise de sa propre mort à l'échelle de sa civilisation, ou du monde. Probablement pour se consoler en se disant qu'il ne sera pas le seul à partir... Ce qu'il y a de nouveau, c'est la sécularisation des thèmes eschatologiques, le fait que la Fin des Temps échappe - partiellement au moins - aux religions pour envahir la société jusque (et surtout) dans ses loisirs. Et peut_être le fait qu'avec l'accélération de la communication globale (surtout depuis internet) les hantises des uns et des autres se propagent et se mélangent.

Enfin, comment expliquer que cette scène -la scène punko-indus-metal soit plus développée en occident, voire spécifiquement en allemagne, qu'ailleurs?
C'est le rock en général qui est plus développé en "occident" - une fois ce constat fait, pas difficile de comprendre pourquoi l'Azerbaidjan n'a pas ses Rammstein locaux ! Quant à l'Allemagne... En ce qui me concerne, la scène allemande ne m'a jamais intéressé, à part Einsturzende Neubauten qui sont des produits directs de la guerre froide et du Mur de Berlin (pour caricaturer un peu) et n'ont d'ailleurs plus grand chose à dire de nouveau depuis longtemps. Ah, si, Sielwolf... Mais eux c'étaient des OVNIs. Et KMFDM un peu, mais ils n'ont plus grand chose d'Allemand depuis vingt ans, non ? Ca fait peu de choses, si on compare avec les Etats-Unis. Ou même la Belgique, ha ha... Je ne crois pas que ce soient les conditions historiques ou sociétales du moment qui donnent envie d'écouter tel ou tel genre de musique, ce serait trop simple.




(interview : 2012. Illustrations : préhistoire.)


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